Le 7 septembre 2024, sous la présidence du Premier ministre Pascal Affi Nguessan, le Front Populaire Ivoirien (FPI) a tenu une session ordinaire de son Comité Central, de 10 h à 16 h 45. Cette réunion d’une importance cruciale s’est déroulée en présence des cadres du parti et a été suivie par les responsables de la diaspora via vidéoconférence. L’un des points majeurs abordés lors de cette session a été le bilan du partenariat signé avec le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) le 2 mai 2023. Ce partenariat avait pour objectifs la réconciliation nationale, la cohésion sociale et l’approfondissement de la démocratie. Cependant, à la veille du congrès du FPI, prévu pour le 8 novembre 2024, un examen approfondi des motivations, des négociations et des résultats de cet accord s’impose pour mieux comprendre les défis rencontrés et pour tirer les leçons nécessaires pour l’avenir.
1. Les Motivations de l’Accord de Partenariat
La genèse de cet accord remonte au Congrès de la Clarification du FPI, tenu le 13 novembre 2021. Lors de cette cérémonie, l’idée d’un rapprochement entre le FPI et le RHDP a été soulevée par M. Adama Bictogo, représentant du RHDP. Ce rapprochement était motivé par une réalité politique : les résultats électoraux du FPI, de 2015 à 2021, étaient largement décevants. Le parti, bien que fort de sa base militante, souffrait d’un manque de leadership dans ses rangs, ce qui limitait ses succès électoraux. Entre 2015 et 2021, seulement cinq cadres du FPI avaient réussi à obtenir des mandats électoraux importants.
Les déboires électoraux répétés ont ainsi révélé une faiblesse structurelle dans l’organisation du FPI. Le parti disposait certes de troupes, mais manquait d’officiers capables de transformer cette base populaire en victoires électorales. Cette situation préoccupante a conduit Pascal Affi Nguessan à envisager une alliance avec une force politique disposant des moyens matériels et financiers nécessaires pour compenser ces faiblesses. Le RHDP, fort de sa machine électorale et de son ancrage au pouvoir, était perçu comme l’allié idéal. En échange de ce soutien, le FPI espérait obtenir des gains électoraux et contribuer à une cause plus noble, la réconciliation nationale, tout en préservant sa propre identité politique.
Le projet d’alliance avec le RHDP visait donc à mutualiser les ressources des deux partis pour atteindre deux objectifs majeurs : d’une part, renforcer la réconciliation nationale, enjeu crucial après les crises politiques successives en Côte d’Ivoire ; d’autre part, mutualiser les forces pour des gains électoraux à travers une stratégie de partage des circonscriptions. Le FPI voyait dans cette alliance une opportunité de sortir de son isolement politique et de retrouver un rôle de premier plan sur la scène nationale.
2. Les Négociations du Partenariat : Un Processus Laborieux
Le processus de négociation de cet accord n’a pas été simple. Après plusieurs mois d’échanges informels, le projet d’accord, accompagné d’une répartition des circonscriptions, a été soumis au Président du RHDP en août 2022. Cependant, ce n’est que neuf mois plus tard, le 21 mars 2023, que les deux partis se sont réunis pour discuter du projet.
Lors de cette réunion, la délégation du FPI, conduite par Pascal Affi Nguessan, était composée du Secrétaire Général Issiaka Sangaré et du Vice-président chargé des élections, Kouakou Krah. Du côté du RHDP, des figures de premier plan, telles que Koné Kafana, Adama Bictogo, Cissé Bacongo et Beugré Mambé, étaient présentes. Cependant, dès le début des négociations, il est apparu que le RHDP n’avait pas la même vision d’un partenariat que le FPI. Si le RHDP n’avait aucune objection à un accord autour des questions de réconciliation nationale, de cohésion sociale et de démocratie, il était farouchement opposé à toute implication du FPI dans la gestion de l’État ou dans les affaires gouvernementales. Le RHDP a ainsi insisté pour que toute mention de cogestion de l’État soit retirée du préambule de l’accord.
Ce désaccord a immédiatement mis en lumière les limites du partenariat envisagé par le FPI. Le RHDP ne voulait pas partager le pouvoir, et encore moins accorder au FPI un rôle significatif dans les circonscriptions électorales stratégiques. Cette opposition s’est notamment manifestée dans les négociations sur la répartition des circonscriptions aux municipales et aux régionales. Sur les 201 listes communes prévues pour les municipales de 2023, le FPI n’a obtenu que 45 têtes de liste, contre 156 pour le RHDP. De plus, le FPI devait soutenir le RHDP dans toutes les communes d’Abidjan, sans contrepartie notable.
3. Résultats Électoraux : Un Partenariat en Demi-teinte
Les résultats des élections municipales et régionales de 2023 ont révélé les failles du partenariat entre le FPI et le RHDP. En effet, malgré cet accord, le FPI a subi de lourdes pertes électorales. Le Conseil régional du Moronou, autrefois détenu par Pascal Affi Nguessan, a été perdu. Les mairies de Bongouanou et d’Agou ont également échappé au contrôle du FPI. Le parti a vu son nombre de vice-présidents du conseil régional passer de 9 en 2018 à 5 en 2023. De même, le nombre d’adjoints au maire est passé de 22 à 19. Ces pertes ont été vécues comme un échec cuisant pour un parti qui espérait se redynamiser à travers ce partenariat.
Malgré tout, le FPI a enregistré une légère progression en termes de conseillers municipaux et régionaux. Le nombre de conseillers municipaux est passé de 124 en 2018 à 138 en 2023, tandis que le nombre de conseillers régionaux est passé de 51 à 57. Cependant, ces gains modestes n’ont pas réussi à compenser les pertes subies dans des circonscriptions clés, symboliques de la dégringolade du FPI.
Il est également important de noter que dans plusieurs circonscriptions, le RHDP a choisi de présenter des candidats contre ceux du FPI, violant ainsi l’esprit du partenariat. Cela a eu pour conséquence de diviser l’électorat, affaiblissant encore davantage le FPI. Dans le Moronou, par exemple, malgré les efforts pour former une liste commune, le RHDP n’a jamais réellement soutenu Pascal Affi Nguessan, le candidat sortant, préférant privilégier ses propres intérêts.
4. Un Bilan Politique Décevant
Sur le plan politique, l’accord de partenariat avait pour ambition de favoriser la réconciliation nationale et de renforcer la démocratie en Côte d’Ivoire. Ces deux thèmes étaient au cœur de l’agenda du FPI depuis plusieurs années. Toutefois, un an après la signature de l’accord, aucun progrès concret n’a été enregistré dans ces domaines. Pire encore, lors du remaniement ministériel d’octobre 2023, le ministère en charge de la réconciliation nationale a été supprimé, indiquant clairement que la réconciliation n’était plus une priorité pour le gouvernement.
Cette suppression a été un coup dur pour le FPI, qui voyait dans la réconciliation nationale un enjeu majeur pour la stabilité du pays. Pour tenter de raviver le processus, Pascal Affi Nguessan a proposé l’organisation d’un séminaire national sur la réconciliation nationale et la cohésion sociale, réunissant environ 300 représentants de diverses entités socioprofessionnelles du pays. L’objectif de ce séminaire était de dresser un bilan complet du processus de réconciliation et de formuler des recommandations pour son approfondissement. Toutefois, le directoire du RHDP, sous la direction de Koné Kafana, a rejeté cette initiative, marquant ainsi une nouvelle rupture dans le partenariat.
5. Une Alliance Dépassée et Caduc
En définitive, à l’approche du Congrès du FPI en novembre 2024, il est évident que le partenariat entre le FPI et le RHDP n’a pas atteint ses objectifs. L’accord, initialement conçu pour renforcer le FPI, a plutôt contribué à son affaiblissement. Non seulement le FPI n’a pas obtenu de gains électoraux significatifs, mais la question de la réconciliation nationale, au cœur de l’accord, a été écartée de l’agenda du gouvernement.
Le Congrès du FPI doit donc acter la caducité de cet accord. Les élus du FPI dans les conseils municipaux et régionaux conservent leurs droits acquis en vertu des accords électoraux locaux, mais le parti doit désormais envisager une nouvelle stratégie pour se préparer aux échéances électorales de 2025. Le FPI doit tirer les leçons de cet échec et reconsidérer ses alliances, tout en recentrant son discours sur ses valeurs fondamentales.
6. Perspectives pour l’Avenir
À la lumière des résultats et des enseignements tirés de ce partenariat, le FPI doit impérativement repenser sa stratégie pour l’avenir. Le Congrès de novembre 2024 représente une occasion cruciale pour faire le point sur les erreurs commises et pour redéfinir un nouveau cap. Le parti doit se recentrer sur son identité politique et se préparer à affronter un paysage électoral de plus en plus compétitif en 2025.
La question des alliances futures reste également à l’ordre du jour. Si le partenariat avec le RHDP n’a pas porté ses fruits, cela ne signifie pas que le FPI doit renoncer à toute forme d’alliance. Au contraire, il s’agit de conclure des alliances mieux négociées, basées sur des objectifs communs et des engagements plus fermes. Le FPI devra renforcer ses structures locales, regagner la confiance de sa base militante et présenter une alternative crédible face à la domination du RHDP sur la scène politique nationale.
Conclusion
En conclusion, le bilan du partenariat entre le FPI et le RHDP est sans appel : cet accord, loin de renforcer le FPI, a contribué à son affaiblissement. Le FPI doit désormais tourner la page de cet échec et se préparer pour les échéances à venir, notamment les élections présidentielles de 2025. Le Congrès de novembre 2024 sera une étape décisive pour redéfinir la stratégie du parti et pour construire une nouvelle dynamique politique, basée sur les leçons tirées de cette expérience.
Ivoiriennes, Ivoiriens, ensemble, tournons la page des divisions !
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